
Passy-Seine s’était déplacé pour couvrir cette manifestation avec six membres qui se sont répartis dans les six ateliers proposés sur les thèmes de la circulation et des services aux usagers. Nous étions tout à fait en phase avec la presque centaine de résidents de Passy et du Champ de Mars qui avaient également répondu présents.
Il ne nous a pas échappé que ce projet était politique pour la Maire de Paris, les municipales approchant. De son coté, Danièle Giazzi, Maire du 16ème, qui nous recevait, n’était pas en reste en se disant ravie de recevoir des mails des habitants sur le sujet…
« Comptez-sur moi pour faire respecter l’environnement du 16ème » D. Giazzi
En tout cas nous ne priverons pas de prendre au mot notre maire d’arrondissement !
Au delà de cela, voici ce que nous avons pu tirer de cette réunion :
Plus, ou pas plus de visiteurs ?
L’équipe technique du projet était bien représentée : le Directeur Jean-François Mangin, une architecte de son équipe, une paysagiste du cabinet lauréat du projet… Ils sont revenus sur le but du projet : celui-ci n’est pas d’augmenter la fréquentation mais « de redonner au site la pureté originelle du paysage » et « de rendre la visite plus agréable » …
L’intention est appréciable – et appréciée – par les habitants présents, mais toute amélioration d’une chose augmente sa demande ! A cette objection, un membre de l’équipe a mis en avant les animations thématiques envisagées comme, par exemple, un « festival des jardins » qui attireraient un public différent (sous entendu plus respectueux)… On peut légitimement douter que ces animations soient suffisamment nombreuses et spécialisées pour que le public s’auto-sélectionne. Et si c’était le cas, cela reviendrait à créer un lieu élitiste qui ne correspond pas à l’orientation politique de la Ville. il y a donc un vice profond dans l’affirmation du maintien du niveau actuel de fréquentation. C’est une question clé pour l’appropriation du projet par les riverains.
Rétropédalages
D’emblée l’équipe du projet a, dans son introduction, semblé reculer face à certaines critiques déjà émises dans les précédentes consultations (à la Mairie du 15ème, au Pavillon de l’Arsenal, sur le site web du projet). Une certaine prudence était effectivement perceptible dans le discours, Jean-François Mangin et son équipe se voulant rassurant en répétant que les plans publiés n’étaient qu’une esquisse d’architecte, mais que les détails n’étaient pas encore décidés, signe peut être qu’on se laisse la possibilité d’aviser en fonction des événements.
Dans cette logique sans doute, on nous annonce que le projet se fera par étapes :
- Etude d’utilité publique – électronique – à l’été 2020,
- Début des travaux en 2021 et première partie d’aménagement pour 2024 et les JO, coté Champs de Mars, logiquement,
- Aménagement complet pour 2030.
Rétropédalage sur le stationnement des autocars :
Il n’y en aura finalement pas avenue Georges Mandel suite aux protestations des riverains (officiel, au micro), ni boulevard Delessert (admis en aparté). Où alors vont ils se garer ? Il nous a semblé que les représentants du projet ne prenaient pas vraiment la mesure de ce problème. Certains ne considéraient que les bus de visite régulière de Paris, tels ceux à double étage, mais ignoraient ceux, beaucoup plus nombreux, des voyages organisés qui stationnent en attendant le retour de leurs passagers. On nous a répondu alors que la Ville aimerait des petits cars électriques comme ceux de la Fondation Vuitton. D’accord, mais il faudra bien aller chercher les touristes près du parking de leurs grands cars et où stationneront ils ? Ailleurs dans Paris ? En banlieue ? Cela ne ferait que déplacer le problème. Les faire venir en métro ? Les stations du quartier sont déjà saturées. Pour beaucoup d’habitants ce débat a été l’occasion d’exprimer leur souhait, non pas de déplacer, mais de réduire le nombre d’autocars de tourisme dans Paris. L’équipe ne semble pas avoir encore travaillé la question.
Rétropédalage sur les « événements » ?
Les scènes et tribunes « événementielles » pour 12 000 personnes autour du bassin et/ou de la place du Trocadéro seraient abandonnées, mais ceci n’a été concédé qu’en aparté. Le sujet des animations, sources de dégradations, de bruit et donc d’incivilités pour les riverains, n’a pas été suffisamment abordé.
Des débats, malgré tout, de bon niveau
Le public s’est ensuite réparti en groupes d’une quinzaine de personnes dans 6 ateliers autour des plans détaillés du projet. Les discussions étaient passionnées car le sujet touche à nos conditions de vie. Il faut dire que l’acoustique de la salle des fêtes de la Mairie du 16ème n’était pas du tout adaptée à la situation et n’a pas facilité le travail des animatrices de l’agence Ville Ouverte. Après quelques éclats de voix et le départ précoce de quelques opposants de principe, les débats sont malgré tout rapidement devenus constructifs et de bon niveau pour échanger questions, critiques et propositions.
Les habitants ont exprimé essentiellement leur crainte que la suppression de voies de circulation fondamentales et l’accroissement de la fréquentation ne créent deux graves difficultés :
- Congestion des quartiers bien en amont du site (par exemple rue de Passy, rue de la Tour, rue Raynouard, rue de Lubeck lors de la dépose aux écoles le matin),
- Saleté, insécurité et bruit.
Ils ont émis beaucoup de propositions. Nous n’avons pas tout pu noter (l’agence Ville Ouverte a des centaines de post-it à exploiter), mais on peut citer quelques sujets qui intéressent tout particulièrement Passy :
Amphithéâtre de verdure

© 2019 Ville de Paris
La mise en valeur du terre-plein central de la place du Trocadéro a suscité beaucoup d’intérêt et de propositions. Le projet prévoit de le relier à l’esplanade et de le valoriser. L’idée des paysagistes est d’en faire un « amphithéâtre de verdure » en gradins offrant une vue perspective plus profonde à travers les ailes du Palais de Chaillot, sur le bassin, le pont arboré, la Tour Eiffel, le Champ de Mars et l’Ecole Militaire, en reculant la statue du Maréchal Foch vers le nord-ouest de la place. Les participants aiment l’idée générale, mais ont trouvé son contenu insuffisant au regard du bouleversement envisagé (de la circulation, voir plus bas) : si cet espace central qui est aujourd’hui inutilisé est aménagé, il faut que cela en vaille la peine. Il ne doit pas rester un lieu banal et nu : on peut imaginer par exemple un kiosque restaurant comme il en existe aux Tuileries afin que les gens puissent déjeuner agréablement… Ceci pourrait intéresser les établissements de la place pour y étendre de jolies terrasses, plutôt que les « food trucks » annoncés (ah les anglicismes de nos dirigeants…).
Casse-tête pour la circulation place du Trocadéro
Plus problématique et conséquence directe de l’aménagement précédent : la circulation place du Trocadéro. Pour intégrer le terre-plein de la place au futur parc, le projet prévoit de supprimer la circulation coté sud-est le long de l’esplanade et de mettre à double sens la partie restante au nord-ouest. Ce plan, non seulement diviserait par deux la capacité d’absorption de la place, mais surtout obligerait les voitures venant de la rue Franklin et de l’avenue Paul Doumer à couper la circulation en sens opposé pour tourner à gauche vers les avenues Georges Mandel, d’Eylau, Poincaré et Kleber. Le projet prévoit une voie dédiée pour tourner à gauche avec, probablement, 4 feux pour les laisser passer.

© 2019 Ville de Paris
Alors comment relier ce terre-plein jusqu’à l’esplanade sans engorger la circulation ?
D’ailleurs doit-il obligatoirement être relié à l’esplanade, vu ces contraintes ? Pourquoi ne pas plutôt aménager le terre-plein en gradins, tel que cela a été imaginé, SANS pour autant le relier à l’esplanade, ceci pour éviter l’engorgement automobile, et en améliorant éventuellement l’accès piéton (aujourd’hui passage protégé par un feu face à l’av du Pt Wilson) ? Pour ce qui d’un souterrain, on nous rappelle que le sous-sol est déjà parcouru par les nombreux couloirs du métro, mais a-t-on approché la RATP pour justement étudier leur utilisation ? On peut aussi imaginer une élégante passerelle (coté cimetière pour ne pas briser la vue) …

Proposition de Tracy
Et pourquoi pas au contraire, comme suggéré par Tracy sur le site web de la concertation, réduire le terre-plein pour agrandir l’esplanade tout en laissant la circulation en rond point ? Soyons créatifs !
D’une façon générale, concernant la place du Trocadéro, il est impératif pour les habitants présents de remettre complètement à plat cette partie du projet, « amphithéâtre de verdure » et plan de circulation.
Ne pas oublier les piétons et les autos en bas de Passy
Le bas de Passy à 20 mètres en contrebas est déjà très enclavé par ses escaliers, la Seine et un pont Bir-Hakeim très difficile d’accès. Ses 4000 habitants risquent de se trouver encore plus isolés du reste de l’arrondissement et de la rive gauche.
Un escalator descendant au métro Passy
La station de métro Passy est déjà très fréquentée par les visiteurs de la Tour Eiffel qui s’y rendent via le Pont de Bir-Hakeim pour les photos magnifiques qu’il offre. Il est évident qu’avec le projet, la fréquentation du métro Passy va s’accroître considérablement. Or la configuration de cette station est très particulière, à mi hauteur d’une falaise, enclavée dans une rue de l’Alboni en escalier qui la prive d’ascenseur à la différence des autres stations aériennes de la ligne 6. Un escalator descendant, symétrique à l’appareil existant à la montée, sera indispensable pour desservir et la rue et la station. Il faut l’inclure dans le projet, en collaboration avec la RATP.

Reconstruire la passerelle d’accès au Pont de Bir-Hakeim
De même les visiteurs sont déjà très nombreux à emprunter depuis le métro la passerelle très fatiguée qui mène au pont de Bir-Hakeim par dessus l’avenue Kennedy.

A chacun des nombreux événements qui existent déjà (marathon, feu d’artifice, etc.) elle fléchit sous le poids des visiteurs. Elle n’en supportera pas plus et effondrera sûrement ! Elle doit être complètement rénovée.
Maintenir la demi volte avenue de New-York
Autre point concernant les voitures : il faut maintenir la demi volte avenue de New-York à l’entrée de la Place de Varsovie qui permet de faire demi tour en venant de la Voie Pompidou par le sud ou en arrivant du Pont de Bir Hakeim. Quand la Place de Varsovie sera interdite aux voitures, cela sera le seul moyen d’accéder aux rues Le Nôtre, Beethoven, des Eaux, Frémiet, Charkes Dickens, René Boylesve, d’Ankara, Marcel Proust, du Général Mangin…

Fermer le site la nuit, comme aux Tuileries
Pour en revenir à l’ensemble du projet, coté hygiène et sécurité, le service de nettoyage n’a pas encore été imaginé… de même pour le gardiennage… Des participants proposent de fermer la nuit le site pour réduire insécurité, saleté et bruit, comme aux Tuileries. Cher ? A comparer avec ce qui se pratique déjà dans les jardins du TRocadéro et du Champ de Mars la nuit. C’est donc essentiel ! Sinon, il faudra un nombre conséquent de gardiens jour et nuit. A-t-on une chance sérieuse de les voir un jour ?
Plus prosaïque : les toilettes. Aujourd’hui, nous avons honte que notre ville ne permettent pas aux visiteurs ainsi qu’aux passants d’accéder à cette fonction élémentaire. Il n’y a qu’à voir la file d’attente à l’édicule du Champ de Mars. Et que dire des épanchements des fêtards de plus en plus nombreux ?
« Vous savez, après minuit, tout le monde fait ça » – Clémentine
… C’est ce que nous disait une jeune étudiante – pourtant plutôt chic – tout récemment…
Il est indispensable de dimensionner largement le nombre de toilettes. Cela à l’air d’être le cas dans le projet, dont acte. Reste à choisir le bon principe d’utilisation (gratuit, payant, avec du personnel ou pas…) et le bon gestionnaire, comme dans les gares, pour maintenir leur propreté.
En bref…
D’une façon générale, les riverains apprécient l’idée d’un parc plus beau et plus grand. Certains en seraient même fiers. Mais ils ont deux préoccupations très claires :
D’une part, l’engorgement de la circulation jusque très au delà du périmètre du projet. Pour cela il faut élargir l’étude d’impact à tout le 16ème au nord de la rue de Boulainvilliers, ainsi qu’au quartier du Gros Caillou et à celui de Grenelle.
D’autre part, ils craignent avec l’affluence et les animations l’explosion des incivilités : saleté, bruit, insécurité .
En bref, un parc plus beau, plus propre et plus sûr oui ! La multiplication des animations et l’engorgement de la circulation, non !